Les causes émotionnelles du binge-eating
“Parfois je rentre chez moi après le travail et j'engloutis tout ce qui me passe sous la main. Je mange jusqu’à plus faim, sans m’arrêter, parfois jusqu’à me donner mal au ventre. C’est tellement incontrôlable. Je ne comprends toujours pas ce qu’il passe lorsque ces crises arrivent…”
Le trouble du binge-eating, également connu sous le nom d'hyperphagie boulimique, est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par des épisodes récurrents de consommation excessive de nourriture. Lors de ces épisodes, la personne ingère une quantité anormalement importante d'aliments sur une courte période, généralement moins de deux heures, tout en éprouvant une sensation de perte de contrôle. Contrairement à la boulimie, ces crises ne sont pas suivies de comportements compensatoires comme les vomissements ou l'usage de laxatifs.
Le binge-eating : une problématique à ne pas prendre à la légère
L'impact sur la santé du binge-eating est considérable. La plupart des personnes atteintes peuvent développer progressivement un surpoids ou une obésité, ce qui augmente le risque de nombreuses complications métaboliques. Parmi celles-ci, on peut citer l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, les troubles musculo-squelettiques et certains types de cancers. De plus, les personnes souffrant de ce trouble présentent souvent des comorbidités psychiatriques, notamment des états dépressifs et des troubles anxieux.
Au-delà des conséquences physiques, le binge-eating a un impact psychologique important. Les épisodes de compulsion alimentaire sont généralement suivis de sentiments intenses de culpabilité, de honte et de dégoût. Ces émotions, combinées à la préoccupation constante pour le poids et l'apparence corporelle, peuvent considérablement affecter l'estime de soi et la qualité de vie des personnes atteintes.
Les émotions comme déclencheurs du binge-eating
Certaines émotions, souvent vécues comme négatives, jouent un rôle crucial dans le déclenchement des épisodes de binge-eating. Elles agissent souvent comme des catalyseurs, poussant l'individu à chercher un soulagement rapide dans la nourriture.
La tristesse et la dépression : les reines du réconfort sucré
La tristesse et la dépression sont étroitement liées aux comportements de l'hyperphagie. Des études ont montré une forte corrélation entre les symptômes dépressifs et la fréquence des épisodes de compulsion alimentaire. Les personnes souffrant de dépression sont plus susceptibles de développer un trouble de l’hyperphagie, et inversement. La nourriture, en particulier les aliments riches en sucre et en graisses, est souvent utilisée comme un réconfort temporaire. Elle stimule la production de sérotonine et de dopamine, des neurotransmetteurs associés au bien-être et au plaisir. Cependant, ce soulagement est de courte durée et peut être suivi de sentiments de culpabilité et de honte, renforçant ainsi le cycle dépressif.
Le stress et l'anxiété : quand manger devient une échappatoire
Le stress et l'anxiété sont aussi des déclencheurs fréquents des crises de binge-eating. Face à des situations stressantes ou anxiogènes, certaines personnes se tournent vers la nourriture comme mécanisme d'adaptation. Le cortisol, l'hormone du stress, peut augmenter l'appétit et favoriser en particulier l’ingestion d’aliments riches en calories. Manger devient alors un moyen de soulager temporairement les tensions. La mastication et la consommation d'aliments peuvent avoir un effet apaisant à court terme, réduisant momentanément les sensations de stress et d'anxiété. Cependant, là aussi cette stratégie de soulagement peut rapidement devenir problématique, créant un cycle où le stress déclenche le binge-eating, qui à son tour génère plus de stress et d'anxiété.
La colère et la frustration : mâcher plutôt que ruminer
La colère et la frustration jouent également un rôle particulièrement important dans ce comportement alimentaire. Ces émotions intenses peuvent déclencher des épisodes de compulsion alimentaire comme moyen de canaliser ou de supprimer ces sentiments difficiles à gérer. Les expériences interpersonnelles négatives, telles que les conflits relationnels ou les déceptions en tout genre, sont souvent à l'origine de ces émotions. La nourriture peut alors être utilisée comme un substitut pour exprimer ou gérer la colère, offrant une forme de réconfort ou de distraction face à ces situations frustrantes.
La solitude et l’ennui
La solitude et l'ennui sont des facteurs émotionnels souvent négligés mais significatifs dans le déclenchement. Pour beaucoup, manger devient un moyen de combler un vide émotionnel ressenti lors de moments de solitude intense ou d'isolement social. Dans ces situations, la nourriture peut servir de distraction, offrant une stimulation sensorielle et une occupation dans des moments où l'individu se sent désœuvré ou seul. Ce comportement peut devenir une habitude, créant une association entre les moments de solitude ou d'ennui et la consommation excessive de nourriture.
Quels sont les mécanismes émotionnels sous-jacents ?
Au-delà des émotions négatives qui agissent comme déclencheurs immédiats, il existe des mécanismes émotionnels plus profonds qui sous-tendent ce trouble. Ces mécanismes expliquent en partie pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles de développer ce trouble et pourquoi il peut être si difficile à surmonter.
La régulation émotionnelle en panne
Les personnes souffrant de binge-eating présentent souvent des difficultés significatives dans la régulation de leurs émotions. Ces difficultés se manifestent de deux manières principales.
Tendance à la suppression et la rumination des émotions : Beaucoup d'individus atteints de ce trouble ont tendance à réprimer leurs émotions négatives, pensant qu'il est préférable de ne pas les ressentir ou de les exprimer. Cependant, cette suppression peut mener à une intensification des émotions et à leur réapparition sous forme de crises d'hyperphagie. De plus, la rumination, c'est-à-dire le fait de ressasser constamment des pensées négatives, est fréquente et peut amplifier les émotions négatives, augmentant ainsi le risque de recourir à la nourriture comme échappatoire.
Manque de stratégies adaptatives comme la réévaluation : Les personnes souffrant de binge-eating manquent souvent de “stratégies adaptatives” pour gérer leurs émotions. La réévaluation cognitive, qui consiste à modifier sa perception d'une situation pour en changer l'impact émotionnel, est une compétence particulièrement déficitaire. Au lieu de cela, elles ont tendance à utiliser la nourriture comme moyen principal de régulation émotionnelle, ce qui s'avère inefficace à long terme.
L'estime de soi en chute libre
La faible estime de soi est un facteur central dans ce type de trouble. Elle se manifeste de deux manières principales :
Impact de l'image corporelle négative : Les personnes souffrant de binge-eating ont souvent une image corporelle très négative. Cette perception défavorable de leur corps peut être à la fois une cause et une conséquence du trouble. Elle alimente un cycle où l'insatisfaction corporelle pousse à la restriction alimentaire, qui à son tour peut déclencher des épisodes de binge-eating.
Cercle vicieux entre hyperphagie et culpabilité : Comme mentionné plus dans l’article, chaque épisode d’hyperphagie est généralement suivi de sentiments intenses de culpabilité et de honte. Ces émotions négatives renforcent la faible estime de soi, ce qui peut à son tour augmenter la probabilité de futurs épisodes de binge comme moyen d'échapper à ces sentiments douloureux. Ce cercle vicieux peut être particulièrement difficile à briser sans aide extérieure.
Traumatismes et expériences négatives
Les traumatismes et les expériences négatives passées jouent un rôle significatif dans le développement du trouble du binge-eating.
Des recherches ont montré que les personnes souffrant de binge-eating ont souvent un historique de traumatismes, qu'ils soient physiques, émotionnels ou sexuels. Ces expériences traumatiques peuvent altérer la capacité à réguler les émotions et à développer une image de soi positive, augmentant ainsi la vulnérabilité au trouble du binge-eating.
Face à ces souvenirs ou ces émotions liés à des traumatismes, la nourriture peut devenir un mécanisme d'adaptation. Elle peut servir à "engourdir" les émotions douloureuses ou à procurer un sentiment de contrôle dans un contexte où l'individu s'est senti impuissant. Cette utilisation de la nourriture comme stratégie d'adaptation peut s'ancrer profondément et devenir automatique avec le temps.
Facteurs extérieurs : quand la société n’arrange rien
Bien que les causes émotionnelles jouent un rôle central dans le trouble du binge-eating, il est crucial de reconnaître l'influence significative des facteurs environnementaux et sociaux. Ces éléments externes peuvent exacerber les tendances au binge-eating ou créer un terrain propice à son développement.
Influence des médias et de la culture
Pression sociale liée à l'apparence
Dans notre société moderne, les médias et la culture populaire exercent une pression constante sur l'apparence physique. Les standards de beauté irréalistes, souvent promus par les réseaux sociaux, la publicité et l'industrie de la mode, peuvent engendrer une insatisfaction corporelle chronique. Cette insatisfaction peut conduire à des comportements alimentaires dysfonctionnels, y compris le binge-eating, comme moyen de faire face à la pression ressentie ou comme réaction rebelle contre ces normes inatteignables.
Publicités alimentaires comme déclencheurs
Les publicités alimentaires omniprésentes, en particulier celles pour des aliments riches en calories et pauvres en nutriments, peuvent agir comme des déclencheurs puissants pour les personnes susceptibles au binge-eating. Ces publicités sont conçues pour stimuler l'appétit et créer des envies, souvent en jouant sur les émotions. Pour les individus luttant contre l’hyperphagie boulimique, cette exposition constante peut rendre le contrôle de leur alimentation encore plus difficile.
L'injonction aux régimes restrictifs
Effet rebond des régimes sur les envies de manger
Les régimes restrictifs, souvent adoptés en réponse à la pression sociale pour perdre du poids, peuvent paradoxalement augmenter le risque de binge-eating. La restriction calorique sévère peut conduire à une augmentation des envies alimentaires et à une préoccupation obsessionnelle pour la nourriture. Lorsque la restriction devient insoutenable, elle peut déclencher des épisodes de surconsommation compensatoire, initiant ou renforçant le cycle du binge-eating.
Perturbation des signaux de faim et satiété
Les régimes répétés peuvent perturber les mécanismes naturels de régulation de l'appétit. La restriction chronique peut désensibiliser une personne à ses signaux internes de faim et de satiété, rendant plus difficile la reconnaissance de ces sensations. Cette déconnexion peut favoriser la surconsommation lors des épisodes de binge, car l'individu perd la capacité de s'arrêter naturellement de manger.
Le rôle des aliments ultra-transformés
Les aliments ultra-transformés, souvent riches en sucres, graisses et sel, sont conçus pour être hautement palatables et potentiellement addictifs. Ces aliments peuvent déclencher une consommation excessive en stimulant les circuits de récompense du cerveau. Leur omniprésence dans l'environnement alimentaire moderne peut rendre particulièrement difficile la gestion des impulsions alimentaires pour les personnes sujettes à ce type de comportement alimentaire.
Et maintenant, on fait quoi ?
Face à ce problème, il n'y a pas de solution miracle. Mais il y a de l'espoir ! La clé réside dans une approche globale qui prend en compte tous les aspects suivants :
- Apprendre à gérer ses émotions autrement qu'avec la nourriture
- Travailler sur l'estime de soi et la perception de son corps
- Adopter une alimentation intuitive plutôt que des régimes restrictifs
- Créer un environnement favorable (adieu les tentations dans les placards !)
- Ne pas hésiter à demander de l'aide (thérapie, groupes de soutien, etc.)
En fin de compte, le binge-eating, c'est comme un grand puzzle émotionnel et social. Et pour le résoudre, la patience est de mise, ainsi que de la compréhension et surtout, beaucoup de bienveillance envers soi-même.
Sources :