Maladies auto-immunes : pourquoi les femmes sont-elles plus touchées ?
Les maladies auto-immunes touchent principalement les femmes : elles représentent 80% des personnes atteintes. Cette disparité entre les sexes est bien connue, mais ses causes ne sont pas encore totalement élucidées. Cependant, de nombreuses recherches ont permis d'identifier plusieurs facteurs contribuant à cette prédisposition féminine aux maladies auto-immunes. Quels sont-ils ? Pourquoi les femmes souffrent-elles plus de maladies auto-immunes que les hommes ?
Les maladies auto-immunes : qu’est-ce que c’est ?
Les maladies auto-immunes rassemblent 80 pathologies différentes qui concernent environ 5 millions de personnes en France. Parmi ces maladies, on trouve notamment la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, la sclérose en plaques, le diabète de type 1, le psoriasis ou la maladie de Crohn.
Ces affections se caractérisent par un dysfonctionnement du système immunitaire qui s'attaque aux propres cellules et tissus de l'organisme au lieu de les protéger. Ce dérèglement immunitaire peut entraîner des lésions des tissus ou des cellules, et peut entraîner des symptômes variés selon la pathologie.
La prévalence féminine : des chiffres éloquents
La prédominance féminine dans les maladies auto-immunes est frappante : on estime que 4 patients sur 5 atteints d'une maladie auto-immune sont des femmes. Cette proportion peut varier selon la pathologie :
- Dans le cas du lupus érythémateux systémique (LES), le ratio est de 9 femmes pour 1 homme ;
- Pour le syndrome de Sjögren, il s’agit de 19 femmes pour 1 homme, une disparité particulièrement importante ;
- La thyroïdite d'Hashimoto survient dans 80% des cas chez des femmes et touche 3 à 5% d'entre elles.
Les chiffres sont parlants, et le fossé entre femmes et hommes n’est plus à démontrer. Les maladies auto-immunes sont des pathologies à claire prédominance féminine.
Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées par les maladies auto-immunes ?
Pour bien prendre en charge les personnes atteintes de maladies auto-immunes, il faut comprendre pourquoi cette disparité femmes-hommes existe. Certaines pistes se dégagent au fil des études.
Le rôle des hormones sexuelles
Pendant longtemps, les hormones sexuelles féminines ont été considérées comme le principal facteur expliquant la prévalence des maladies auto-immunes chez les femmes. Cette hypothèse s’explique par plusieurs observations :
- La plupart des maladies auto-immunes sont diagnostiquées après la puberté ;
- Les fluctuations hormonales pendant le cycle menstruel, la grossesse et la ménopause peuvent impacter l'activité de certaines maladies auto-immunes ;
- Les œstrogènes stimulent la production d'anticorps et l'activation des lymphocytes T, deux éléments clés de la réponse immunitaire.
Les hormones jouent donc certainement un rôle dans les maladies auto-immunes, mais des recherches récentes pointent du doigt d'autres facteurs impliqués dans cette disparité entre les sexes.
L'inactivation du chromosome X
Les femmes possèdent deux chromosomes X, tandis que les hommes n'en ont qu'un. Pour compenser cette différence, les cellules féminines inactivent l'un des deux chromosomes X par un processus appelé "inactivation du chromosome X". Sans ce processus, les femmes produiraient deux fois plus de certaines protéines que les hommes, ce qui pourrait perturber le développement et le fonctionnement cellulaire normal.
Ce processus d'inactivation implique un facteur génétique appelé “Xist”, qui est exclusivement actif chez les femmes. Des études récentes ont montré que :
- L'inactivation du chromosome X pourrait être impliquée dans le développement de maladies auto-immunes ;
- Des auto-anticorps dirigés contre le complexe lié à Xist ont été détectés dans le sang de patientes atteintes de maladies auto-immunes ;
- Lorsque le facteur Xist a été introduit chez des souris mâles, celles-ci ont développé une auto-immunité semblable à celle des femelles.
Le processus d'inactivation du chromosome X pourrait donc être une source potentielle d'auto-antigènes qui conduirait au développement de maladies auto-immunes chez les femmes.
Des différences dans l'expression des gènes
Il existerait des différences significatives dans l'expression génique entre les hommes et les femmes, en particulier dans les gènes liés au système immunitaire. Ces variations pourraient en partie expliquer la susceptibilité accrue des femmes aux maladies auto-immunes. Certains gènes liés à l'immunité sont plus actifs chez les femmes que chez les hommes, et ces différences d'expression génique ne sont pas uniquement liées aux hormones sexuelles.
Le microchimérisme fœtal
Le microchimérisme fœtal est un phénomène qui se produit pendant la grossesse. Des cellules du fœtus passent dans la circulation sanguine de la mère et peuvent rester dans son organisme pendant des années après l'accouchement. Ce phénomène pourrait contribuer au développement de maladies auto-immunes chez les femmes : Les cellules fœtales pourraient être reconnues comme étrangères par le système immunitaire de la mère, déclenchant une réponse auto-immune. Par ailleurs, ces cellules pourraient également moduler le système immunitaire de la mère à long terme.
Des variations dans la réponse immunitaire
Les femmes ont généralement une réponse immunitaire plus forte que celle des hommes. Cette caractéristique, qui pourrait être une adaptation évolutive pour protéger sa propre progéniture, peut également augmenter le risque de maladies auto-immunes.
Les femmes produisent généralement plus d'anticorps que les hommes. Elles ont tendance à avoir un plus grand nombre de lymphocytes circulants. En outre, le système immunitaire féminin réagit plus fortement aux vaccins et aux infections.
Cette réponse immunitaire plus vigoureuse, qui présente des avantages sur bien des aspects, pourrait tout de même augmenter le risque de réactions auto-immunes.
Améliorer la recherche et la prise en charge des maladies auto-immunes chez les femmes
Il ne suffit pas de constater cette disparité entre les sexes concernant les maladies auto-immunes ; cette particularité a des implications importantes pour la recherche et le développement de traitements.
Pour commencer, il est crucial d'étudier et d'analyser séparément les échantillons féminins et masculins dans la recherche sur les maladies auto-immunes et leurs traitements. Les études pourraient également se concentrer sur certains mécanismes spécifiques, tels que l'inactivation du chromosome X, qui ouvriraient la voie à de nouvelles approches thérapeutiques.
Une meilleure compréhension des différences entre les sexes permettrait de développer des traitements plus ciblés et efficaces pour les femmes atteintes de maladies auto-immunes. L'identification des facteurs de risque spécifiques aux femmes aiderait à développer une prévention plus efficace et un diagnostic précoce chez les femmes.
La pression sociétale et les tâches quotidiennes ont-elles un impact sur les maladies auto-immunes ?
Les femmes font face à une charge mentale importante et doivent souvent jongler entre les responsabilités professionnelles, les tâches domestiques et la gestion du foyer. Elles subissent également une forte pression sociétale sur leur apparence. Cette surcharge entraîne de la fatigue chronique, du stress, de l’anxiété et des troubles du sommeil.
Selon les données 2016 de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, 80% des femmes indiquent consacrer au moins une heure par jour à la cuisine ou au ménage, contre seulement 36% des hommes. Les femmes assument toujours une part disproportionnée des tâches domestiques : d’après l’Observatoire des Inégalités, 8 femmes sur 10 s’occupent du ménage et de la cuisine au moins une heure par jour, contre à peine 4 hommes sur 10.
Cette pression constante a des effets néfastes et entraîne un épuisement physique et mental constant, ainsi qu’un risque de burn-out, de dépression et des problèmes de santé.
Quelles conséquences sur la survenue de maladies auto-immunes chez les femmes ?
Les recherches actuelles n'établissent pas de lien direct entre la pression sociétale sur les femmes et la prévalence des maladies auto-immunes. Cependant, certaines études suggèrent que le stress chronique, qui peut résulter de ces pressions, pourrait jouer un rôle prépondérant dans le développement de ces maladies.
Le stress, ressenti à haute dose, augmenterait fortement le risque de développer une maladie auto-immune. Cette observation n’est évidemment pas spécifique aux femmes, mais elle pourrait être particulièrement pertinente compte tenu des pressions sociétales et des multiples tâches qu'elles assument.
Dans tous les cas, des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour établir un lien plus direct entre les pressions spécifiques auxquelles les femmes sont confrontées et la prévalence des maladies auto-immunes chez elles.
Sources :