Le déni de grossesse : parlons-en
Le déni de grossesse affecterait entre 1500 et 3000 femmes chaque année en France. Plus de 1600 femmes seraient concernées par des dénis partiels au-delà de cinq mois, et environ 330 femmes accoucheraient sans avoir jamais su qu'elles étaient enceintes. Zoom sur un phénomène mal connu et parfois mal compris.
Qu’est-ce que le déni de grossesse ?
Le déni de grossesse désigne le fait de porter un enfant de manière inconsciente, sans ressentir physiquement la grossesse. Ce phénomène est reconnu lorsque la grossesse est découverte après la quatorzième semaine d'aménorrhée.
Il existe deux types de déni :
- Le déni partiel : la patiente ne s’aperçoit pas de sa grossesse avant les cinq premiers mois.
- Le déni total : la patiente ne s’aperçoit de sa grossesse qu’au moment de l’accouchement.
De manière générale, le déni de grossesse est caractérisé par l’absence de symptômes de gestation. Certaines femmes continuent à prendre la pilule contraceptive pendant cette grossesse, ce qui peut expliquer des saignements réguliers, et donc le déni. Beaucoup ne ressentent pas les mouvements du fœtus, ce qui explique également pourquoi elles ne se rendent pas compte que l’enfant est en train de se développer.
Comment survient le déni de grossesse ?
Le déni de grossesse est considéré comme un trouble psychiatrique. Il s’agit plus précisément d’un trouble de la gestation psychique : le cerveau de la femme enceinte se défend inconsciemment pour la protéger.
L’angoisse de porter un enfant ou d’être mère, des traumatismes passés, un rapport difficile au corps et à la sexualité, une agression sexuelle, un contexte familial compliqué, des grossesses rapprochées ou la certitude d’être stérile sont autant de raisons qui peuvent causer un déni de grossesse.
Une femme enceinte sans ventre… c’est possible ?
Oui ! Lorsqu'une femme prend conscience de sa grossesse, son ventre peut commencer à gonfler, surtout dans le cas d'un déni partiel. Dans un déni total, la femme accouche sans savoir qu'elle est enceinte, pensant souffrir d'un trouble digestif. Le déni de grossesse est collectif, car personne n'imagine qu'elle est enceinte, renforçant ainsi le déni psychique.
Dans le ventre, le bébé se positionne à la verticale, ce qui le rend quasi-indétectable. Les muscles abdominaux se tendent pour éviter tout changement visible. L'utérus devient plus lourd et volumineux, s'inclinant parfois vers l'avant, repoussant les intestins pour créer de l'espace. Tout le corps se met au service du déni, ce qui n’aide pas la femme enceinte à reconnaître la grossesse, même lorsque quelques indices peuvent lui laisser penser qu’elle est enceinte.
Grossesse invisible : quelles répercussions ?
Lorsque le déni de grossesse est découvert, de nombreux examens sont effectués pour rattraper le suivi manqué. La grossesse peut être révélée au cours d’un examen de routine, d’une consultation pour douleurs abdominales, lombaires, ou des saignements, ou simplement lorsque la patiente n’est plus dans le déni.
Si le déni n'est pas détecté, l'absence de suivi peut engendrer des risques pour la mère et l'enfant. Un soutien psychologique peut être nécessaire pour certaines femmes qui peuvent ressentir de la culpabilité pour leur mode de vie pendant le déni. Elles peuvent également simplement s’en vouloir de ne pas avoir remarqué la grossesse.
Les répercussions psychologiques d'un déni de grossesse
Un déni total peut être traumatisant lors de l'accouchement, nécessitant une prise en charge psychologique. Sans préparation émotionnelle, la jeune maman n'a pas le temps de créer un lien avec le fœtus, ce qui peut entraîner une relation difficile avec l’enfant.
De plus, le déni de grossesse reste tabou : il peut être difficile de faire face à ses proches et aux préjugés qu’ils peuvent avoir sur cette grossesse invisible.
Les répercussions physiques d'un déni de grossesse
Sans le suivi médical de grossesse approprié, le déni peut être risqué pour la mère et l'enfant, avec des conséquences dont font partie certaines pathologies graves, notamment les malformations cardiaques chez le bébé et la pré-éclampsie chez la mère. Un accouchement non préparé peut aussi laisser des traces ; s’en remettre est plus difficile.
Le devenir du bébé
Un bébé né d'un déni de grossesse peut être exposé à des complications comme la prématurité, un faible poids à la naissance, et un retard de développement psychomoteur. Le taux de mortalité périnatale atteint 5%, et un retard de langage est constaté chez 30% des enfants né d'un déni, à 2 ans.
Total ou partiel, le déni de grossesse débouche sur un accouchement. En effet, le délai légal pour avorter est largement dépassé dans les deux cas. La patiente n'a donc d'autre choix que de mener sa grossesse à terme. Si elle choisit de garder l'enfant, la patiente doit s’adapter rapidement et devra trouver de quoi accueillir bébé sans perdre de temps. En cas de difficultés financières, elle peut se tourner vers une assistante sociale pour l’orienter vers des ressources et du matériel pour faire face à cette maternité inattendue.
Si elle choisit de ne pas garder l'enfant, la patiente peut décider d'accoucher sous X, c'est-à-dire anonymement. Ensuite, l'enfant sera confié à l'aide sociale à l'enfance en vue d’une adoption. La patiente a le droit de changer d'avis et de récupérer son bébé dans un délai de deux mois après l’accouchement.
Se reconstruire après un déni de grossesse
Que le déni de grossesse soit partiel ou total, il est essentiel de fournir un soutien psychologique à une femme qui découvre tardivement sa grossesse, qu'elle choisisse de garder l'enfant ou non. Les psychologues et psychiatres qui accompagnent ces femmes ont pour première mission de comprendre les raisons psychologiques de ce refus de grossesse. Cette compréhension est cruciale pour les aider à prendre soin d'elles-mêmes et, par conséquent, du fœtus ou du bébé. En outre, un suivi psychologique est indispensable pour prévenir la récidive.
Il existe également des groupes de paroles entre femmes qui ont fait un déni de grossesse. Ces groupes peuvent constituer un soutien indispensable pour pouvoir parler de son expérience, tout en écoutant celles des autres femmes qui ont vécu une grossesse invisible. La maternité pourra directement aborder cette possibilité si elle offre ce service.
Sources :